En tant que cinéphile et mélomane j’aime particulièrement la comédie musicale filmée et me devait d’aller voir La La Land. Comme à mon habitude, je n’ai regardé aucune bande-annonce avant, histoire de ne pas être influencé, me permettant de redouter le pire.
Avertissement : il est conseillé d’avoir vu le film.
Je conseille aussi la critique de Stéphane Delorme dans les Cahiers du cinéma du mois de janvier 2017.
Ouverture
La scène d’ouverture est spectaculaire ! Ce plan-séquence dansé sur une bretelle d’autoroute à l’entrée de Los Angeles a été saluée par beaucoup, et n’est pas sans rappeler celle des Demoiselles de Rochefort. Entrée réussie donc, mais hélas totalement déconnectée du reste du film ! Les protagonistes ne reviendront pas, le thème musical non plus, ça donne un ton, mais pas celui du film… À part l’anecdote et la prouesse elle ne sert pas le scénario. Pour revenir aux Demoiselles de Rochefort par exemple, l’ouverture pose cadre (des forains arrivent à Rochefort, on entend le thème des jumelles). Ou dans un style assez différent la mémorable ouverture de West Side Story signée Saul Bass et Leonard Bernstein est un résumé du film à elle seule, qu’on ne comprend qu’après le film, voire au deuxième visionnage du film. Deux introductions qui nous invitent dans la ville et posent le contexte. Cette autoroute n’apporte rien, on aurait pu supposer un déménagement dans la ville, un prétexte. Mais non, pire ! on tombe dans ce travers de la comédie romantique contemporaine du destin qui fait se croiser, par hasard, les personnages1.
Sens
Et nous touchons là un autre manque : ces personnages sont seuls !
Il n’y a pas d’autres rôles, ne comptent que leur
histoire et leurs rêves (qui mériteraient une analyse).
Les colloques n’apparaissent plus jamais par la suite. Dans les films
cités il y a plusieurs histoires qui se croisent, ancrées dans un réel,
les personnages secondaires ont de la profondeur.
Même le lieu n’a pas de rôle, malgré le titre qui évoque
à la fois un pays imaginaire2 et Los Angeles et donc Hollywood(land).
Je ne sais pas moi, Singing in the
rain raconte
déjà quatre fois plus en quelques fractions de seconde sur ce pays
cinématographique, non ?
En fait la distinction LaLa/L.A. est à voir dans les deux fins
parallèles et le voyage à Paris, ça aurait donc pu être une autre ville
que Los Angeles. Hollywood n’est que prétexte à la citation cinéphile,
et pas n’importe laquelle.
Références
On trouve des vidéos et des
articles
montrant les références faites par La La Land à ses illustres
prédécesseurs. Le film est truffé de références, explicite ou plus
discrètes, dans tous les champs.
Dialogues (L’impossible Monsieur Bébé, Casablanca), décors
(Casablanca, Un américain à Paris), mise en scène et chorégraphie
(West Side Story, Singing in the rain), couleurs ( ), même le
format est en Cinémascope 35mm (hélas distribué en numérique).
Même le scénario emprunte à Casablanca, mais de manière peut-être
inconsciente. Il nous manquerait presque un Play it, [Seb], car le
reste y est, piano nostalgique, Paris idéal. Tout sauf une trame
extérieure au personnages.
Scénario dont le dénouement génial donne toute sa
dimension à la musique (dans sa mélancolie) et nous sauve d’une énième
comédie romantique dénuée de tout réalisme.
Modernité
Mais ce film me permet surtout de voir que j’ai pas mal de retard en
connaissance cinématographique, ou plutôt un goût ancien et classique
(étonnant ?). L’obsession du plan-séquence est pour
moi artificielle et fatigante, l’œil ne peut pas choisir quoi
voir.
Les couleurs ne sont pas éclatante comme en Technicolor, bien qu’elles
aient beaucoup à dire. On n’est pas non
plus dans la profondeur du noir et blanc
de Casablanca, et je ne suis donc pas éduqué à la lumière des
films modernes.
Ainsi l’importante scène de l’observatoire ne m’est pas restée collé à
la rétine et me laisse un goût de raté. Peut-être aussi parce qu’il y a
trop d’effets de mise en scène ? Dans West Side Story par exemple, la
scène du bal reste gravée car elle détonne avec le reste du film.
Enfin la modernité souffre de l’absence de triple-threat comme
l’étaient Fred Astaire, Gene Kelly et Ginger Rogers, les chorégraphie
sont peu nombreuses, le chant juste sympathique (il a le mérite d’être
authentique).
Au final c’est un bon film, qui fait du bien à un Hollywood mal en point, offrant de jolis références avec une réalisation réussie. Nous verrons bien aux Oscars ! Cependant pour moi le film souffre d’être trop un hommage avec un scénario un peu plat (mais on a vu bien pire), qui sont peut-être des signes de modernité finalement. La musique est très bien, mais on est loin du naturel d’un High Society !
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Quelqu’un a quand même réussi à me trouver une signification, sur le fait qu’ils allaient dans le même direction, mais n’avançaient pas à la même vitesse, ou n’arrivaient pas à avancer tous les deux. Pourquoi pas… ↩
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A fictional, nonphysical place where people out of touch with reality live and where nonsensical ideas come from nous dit le wiktionnaire ↩